Предлагаемая книга представляет перевод сказки П. Ершова "Конек-Горбунок" на французский язык, выполненный М. Свешниковой. В переводе сохранена стихотворная форма текста, персонажи и события.
La première partie
Au delà des monts, des plaines,
Des forêts, des mers lointaines,
Au sol, pas au firmament,
Un vieux et ses trois enfants
Vivaient dans un p’tit village.
L’aîné passait pour très sage,
Le deuxième – pour pas trop sot;
Le cadet – pour un idiot.
Charriant à la capitale
Toute la récolte estivale
(Donc, la capitale n’était
Pas loin du village, mais près),
Ils vendaient du blé, du seigle,
Comptaient bien l’argent en règle,
Avec leur sac plein d’argent,
Ils venaient chez eux, contents.
Après bien du temps ou vite,
Une mauvaise chose fut produite:
La nuit, on venait au pré
Et froissait là-bas leur blé.
Jamais de la vie, nos hommes
N’eurent de la peine comme
Ça; ils durent longtemps penser:
“Comment peut-on attraper
Les voleurs?” Puis, ils comprennent
Que, pour éviter cette peine,
Il faut toute la nuit veiller, –
Pour voir ceux qui viennent voler.
La nuit va tomber au monde,
C’est l’aîné qui fait une ronde.
Avec une fourche, une cognée,
Au champ, il lui faut aller.
Comme la nuit est bien pluvieuse,
Et il a une âme peureuse,
Effrayé par tout c’ qu’il craint,
Il se cache sous le foin.
La nuit passe, le jour commence,
Il part de sa surveillance,
S’étant j’té de l’eau au front,
Il frappe fort à leur maison:
“Ohé, vous, les grandes marmottes!
Ouvrez-moi vite, je grelotte!
Sous la pluie, je suis mouillé
De ma tête jusqu’à mes pieds.”
Les frères ouvrent vite la porte
Pour savoir ce qu’il apporte,
Ils se mettent à questionner
Leur frère sur la nuit passée.
Après des prières faites
Et après plusieurs courbettes,
Le gardien tousse, puis il dit:
“Je n’ai pas dormi cette nuit;
C’était pour moi la malchance
De l’intempérie immense:
Il a plu toute la nuit,
Ma ch’mise est mouillée, je dis.
Après cette nuit ennuyeuse,
Quand même, la fin est heureuse”.
Pour ça, le père le louait:
“Toi, Daniel, tu as bien fait!
Tu es comme un fils modèle
Qui me rend service, fidèle,
Car tu y as été et
Ne t’es pas mouché de pied”.
La nuit va tomber au monde,
Le suivant doit faire sa ronde.
Avec une fourche, une cognée,
Au champ, il lui faut aller.
Comme la nuit est très froide,
Le frisson le fait malade,
Ses dents se mettent à claquer;
Il court des champs, effrayé, –
Et toute la nuit, il fait mine
De garder l’enceinte voisine:
Il a peur, le fanfaron!
A l’aube, il est au perron:
“Ohé, vous, les grandes marmottes!
Ouvrez-moi vite, je grelotte!
La nuit, il a gelé, moi,
Je suis transi d’un grand froid!”
Les frères ouvrent vite la porte
Pour savoir ce qu’il apporte,
Ils se mettent à questionner
Leur frère sur la nuit passée.
Après des prières faites
Et après plusieurs courbettes,
Entre ses dents, il leur dit:
“Je n’ai pas dormi cette nuit,
Mon destin est mauvais, frères,
Le froid a fendu des pierres,
Aux entrailles, je suis gelé;
Toute la nuit, j’ai dû sauter;
Mais après cette nuit affreuse,
Quand même, la fin est heureuse”.
Et le père lui dit: “C’est bon,
Gabriel, mon brave garçon!”
La nuit va tomber au monde,
Le cadet doit faire sa ronde;
Mais Ivan ne s’en fait point,
Sur le four, il chante au coin
De toutes ses forces les plus bêtes:
“Oh, vos beaux yeux!..” à tue-tête.
Les frères doivent lui reprocher
Pour qu’il aille plus vite au pré,
Mais ils crient autant qu’ils puissent
Crier, sans qu’ils réussissent:
Ivan ne bouge pas, enfin,
C’est son père qui intervient
Pour lui dire: “Ecoute tes frères,
Fais ce qu’on te prie de faire,
Fais une ronde, et tu auras
Des images, des fèves, des pois”.
Alors, du four, Ivan glisse,
Cherche et met sa vieille pelisse,
Dans son sein, il met un pain
Et va faire sa ronde enfin.
La nuit tombe, la lune se lève;
Ivan fait sa ronde sans grève,
En voyant que tout est bon,
Il s’assied sous un buisson:
Au ciel, il compte des étoiles,
De son pain, il se régale.
Le minuit sonne, brusquement,
Un cheval hennit; Ivan,
De-dessous sa moufle, regarde, –
Une jument, sans prendre garde,
Est là, une si belle jument,
Blanche comme neige d’hiver vraiment!
Elle a une longue crinière
D’or, frisée, jusqu’à la terre.
“Arrête! C’est notre voleur!..
Je ne suis pas un railleur,
Je prendrai ton cou, ma belle,
Voilà comme tu es, saut'relle!
Sois sûre, je suis très sérieux!”
Une minute après, il peut
Courir vers la jument blanche,
Saisir sa queue en revanche
Et s’asseoir vite sur son dos
A l’inverse de comme il faut.
La jument blanche de jeune âge,
Brille des yeux d’une forte rage,
Tourne la tête comme un serpent,
Se lance comme une flèche. Aux champs,
Elle saute et fait de grandes rondes,
Sursaute des fossés en s’conde,
Galope à travers des monts,
Se cabre aux forêts de bonds,
Par la force ou par la fraude,
Pour le vaincre, elle cherche un mode.
Mais Ivan n’est pas peureux –
Il se tient bien par sa queue.
Final’ment, elle devient lasse.
“Ivan, – lui dit-elle, – de grâce!
Si tu as pu te tenir,
Je devrai t’appartenir.
Donne pour mon repos une place,
Comme tu peux, soigne-moi lasse.
Attention! A l’aube, trois fois
De suite, tu me permettras
Seule en rase campagne de faire
Une prom’nade volontaire.
Après ces trois jours, il faut
Que j’accouche de deux chevaux –
Tels qu’on ne trouve pas au monde,
Même si on fait une grande ronde,
Et encore un p’tit Cheval,
Haut de cinq pouces, mais spécial:
Sur le dos, il a deux bosses,
Des oreilles d’âne lui haussent.
Si tu veux, vends ces deux ch’vaux,
Ne vends, ni pour un chapeau, –
Le p’tit, – ni pour une ceinture,
Ni pour une sorcière; j’assure –
Sur la terre et sous la terre,
Il s’ra ton ami en clair;
En hiver, du froid, il cache,
Et du chaud en été, – sache
Ça; si tu veux boire, manger –
Il pourra te le donner.
Après, je prendrai la chance
Aux champs de toute ma puissance”.
Ivan pense: “Soit, c’est assez”,
Et dans la grange des bergers,
Il mène la jument en hâte,
La ferme avec une natte
Et, à l’arrivée du jour,
Au village, est de retour,
En chantant comme une casse-pierres:
“Un gars vient à la rivière…”
Alors, il monte au perron,
Saisit par sa main le rond,
Frappe si fort que tout le monde
Ait peur que le toit ne tombe;
Pour faire du chahut, il crie,
Comme si c’est une incendie.
Les frères sautent vite de leurs couches,
Bègues de peur de quelque louche:
“Qui frappe fort au logis clos?” –
“Mais c’est moi, Ivan l’Idiot!”
Les frères ouvrent vite la porte,
Il entre et se tient de sorte,
Qu’ils se mettent à le gronder:
Comment il ose effrayer!
Ivan, sans qu’ils réussissent,
En chaussures et en pelisse,
Se dirige vers le four,
De là, il tient son discours,
Concernant son aventure,
Etonnant des oreilles pures:
“Eh bien, je n’ai pas dormi,
Comptant les étoiles la nuit;
La lune a pu aussi luire, –
Je n’ai pas vu, – rien à dire.
Soudain, un diable est venu,
Tout barbu et moustachu;
Il a la gueule comme une chatte
Et les yeux comme deux grandes jattes!
Et il s’est mis à sauter,
A battre par la queue le blé.
Je ne fais point de blagues sottes,
Alors, sur son cou, je saute.
Il m’a tant traîné, traîné,
Même, il m’a failli casser
La tête, pour que je le laisse,
Mais je l’ai tenu en presses.
Il battait fort, mon malin,
Et il m’a prié enfin:
“Ne fais pas me détruire:
Toute l’année, pour te suffire,
Je vais me conduire bien –
Laisser en paix des chrétiens”.
Je ne suis pas trop aimable,
Mais j’ai cru mon petit diable”.
En bâillant, il le dit, or,
Après une s’conde, il s’endort.
Quoiqu’ils soient fâchés, les frères
Rient trop, malgré leur colère.
Ils se tiennent aussi les flancs,
Riant de cette histoire longtemps.
Leur père ne se tient pas même
De rire aux larmes de ce thème,
Bien que ça soit mal aux vieux:
De ne pas rire tant, – c’est mieux.
Peu de temps ou trop ensuite
Fit de cette nuit la fuite, –
Moi, je ne l’entendis pas,
Car personne ne m’en parla.
Mais ce n’est pas une affaire
Pour nous, parce qu’il nous faut faire
Notre bon conte, sans compter
Toutes les années passées.
Donc (à une grande fête),
Dans la grange, avec la tête
Qui lui tourne, pleine d’hydromel,
Se traîna le frère Daniel.
Il voit deux chevaux superbes
A crinière d’or, fine comme l’herbe,
Et un p’tit cheval-jouet
Haut de cinq pouces, comme on sait:
Sur le dos, il a deux bosses,
Des oreilles d’âne lui haussent.
“Tiens! Pour ça, comme j’ai compris,
Notre Idiot y a dormi!” –
Se dit-il, et la merveille,
De l’ivresse, le réveille.
Daniel court à la maison,
Dit à son frère d’un bas ton:
“Gabriel, écoute, mon frère,
Quels chevaux à belle crinière
Appartiennent à notre Idiot:
Tu n’as pas ouï dire un mot”.
Donc, après, les deux grands frères,
Aussi vite qu’ils puissent le faire,
Sur l’ortie, courent, sans dévier,
De toutes leurs forces, à nus-pieds.
Ils trébuchent trois fois en route,
Ont des yeux pochés, sans doute,
En frottant ici et là,
Ils entrent dans la grange – voilà:
Deux chevaux s’ébrouent aux frères,
Leurs yeux lancent une belle lumière
De rubis; et leurs queues d’or
Frisées pendent au sol encore.
Leurs sabots de diamants brillent,
Et de grandes perles y scintillent.
Quel plaisir à regarder!
Seul, le roi peut y monter!
Presque borgnes, les deux frères
Les regardent, sans rien faire.
“Où, donc, les a-t-il trouvés? –
Dit Daniel, le frère aîné. –
Aux sots, la vie est féconde
En biens, comme on dit au monde.
Je me mets en quatre, mais,
Aucune pièce, je n’en gagn’rai.
Gabriel, la s’maine prochaine,
A la capitale, on mène
Ces chevaux, on les vendra;
En parties, on divis’ra
L’argent, avec quoi on mange
Et boit, sans qu’on nous dérange,
Si on tape sur un sac gros.
Notre frère cadet idiot
N’aura pas la conjecture,
Où ses ch’vaux, par leur allure,
Sont partis: qu’il cherche là-bas.
Eh bien, mon ami, tope-là! ”.
Ayant mis tout ça en ligne,
Les deux frères s’embrassent, se signent.
Puis, ils viennent à la maison,
Faisant la conversation
Sur ces ch’vaux, sur une grande fête,
Sur un drôle de petite bête.
Le temps va son train toujours,
L’heure à l’heure, le jour au jour.
Une semaine après, les frères
Partent pour la ville, pour faire
Ceci: vendre des denrées
Et apprendre sur le quai,
Si les barques all’mandes à voiles
Y viennent pour ach’ter des toiles,
Si le roi Saltan y vient
Capturer de bons Chrétiens.
Ayant fait bien de prières,
Ayant demandé au père,
Ils prennent en secret deux ch’vaux
Et s’en vont sans dire un mot.
De la nuit, le soir s’approche,
Le temps du sommeil est proche.
Ivan marche sans penser trop,
Chante et mange son chanteau.
Et avec la conscience franche,
En mettant les mains aux hanches,
En dansant, comme un seigneur,
Dans la grange, il entre, poseur.
Tout est bien, sauf les ch’vaux, comme
S’ils n’étaient pas là, en somme!
Seul, le p’tit Cheval-jouet
Tourne de joie près des pieds,
Bat de longues oreilles sans cesse
Et sautille de l’allégresse.
Ivan se met à hurler,
S’appuie pour ne pas tomber
Contre le mur: “ Ch’vaux superbes!
A crinière d’or fine comme l’herbe!
Mais je vous ai tant aimés,
Quel démon vous a volés?
Peste de lui, le chien, qu’il pleure!
Que, dans un ravin, il meure!
Qu’il s’effondre avec le pont
Là, dans l’autre monde, c’est bon!
Oh, mes ch’vaux bruns-gris superbes,
A crinière d’or fine comme l’herbe!”
Le Ch’val fait un henniss’ment:
“Ne pleure pas, mon cher Ivan,
Ton malheur est une grande chose,
Je t’aid’rai à cette cause.
N’accuse pas le diable en vain:
Tes frères ont pris les ch’vaux. Tiens!
Ne dis pas de choses sottes,
Sois calme, ce n’est pas ta faute.
Mets-toi plus vite sur mon dos
Tiens-toi ferme comme il faut;
Bien que je sois de p’tite taille,
Mieux que d’autres, je travaille:
Je me mets vite à courir,
Le diable, je peux le saisir”.
Il s’étend devant son maître,
Ivan monte au Ch’val, sans être
Lâche; du p’tit Cheval, il prend
Les oreilles, en mugissant.
Le Cheval se lève de terre,
Branle sa petite crinière,
Il s’ébroule, en s’animant,
Se lance comme une flèche, volant.
Il n’y a que de la poussière
Qui y tourbillonne par terre.
En un clin d’oeil, ou en deux,
Il rattrape les astucieux.
Les frères ont peur et s’apprêtent
A montrer vite qu’ils regrettent.
Ivan se met à crier:
“C’est honteux de me voler!
Bien que vous soyez plus sages,
Je suis plus honnête, je gage:
Je ne vous ai rien volé”.
L’aîné de ses frères, crispé,
Dit: “Ivan, notre cher frère,
Rien à nier – c’est notre affaire!
Mais tu dois aussi compter
Avec notre pauvreté:
Tu sais qu’on n’a, quoiqu’on sème,
Pas de pain quotidien même.
La red’vance, où la trouver? –
On n’arrête pas d’exiger.
C’est à cause de cette tristesse
Qu’on a tant parlé sans cesse
Toute la nuit et de bonne heure:
Que faire dans notre malheur?
Enfin, on arrive, tout d’ même,
A résoudre le problème:
On va vendre tes chevaux
Pour mille roubles, si ça vaut.
Pour te dire merci, on pense
Te faire une bonne récompense –
T’ach’ter des bottes, un chapeau
Rouge avec un beau grelot.
De plus, pense à notre père,
Il est vieux, ne peut rien faire;
Mais il faut passer la vie, –
Toi, tu n’es pas sans esprit! ” –
“Si c’est de sorte qu’on prétende,–
Dit Ivan aux frères, – qu’on vende
Mes chevaux à crinière d’or,
Prenez-moi aussi alors”.
Ils sont contre, car ils mentent, –
Mais rien à faire, – ils consentent.
Enfin, le ciel s’obscurcit;
L’air devient plus rafraîchi;
Pour ne pas se perdre en route,
On veut bien casser la croûte.
Aux branches d’en-bas, comme il faut,
On lie bien tous les chevaux,
On apporte des comestibles,
On boit un coup, c’est possible
Ch’min faisant; après, bon Dieu,
On bavarde à qui mieux mieux.
Tout à coup, l’aîné des frères
Remarque au loin une lumière.
A son frère, il cligne de l’oeil,
Pour que le deuxième frère veuille
Le sout’nir, après, il tousse,
Montre le feu, d’une voix douce,
Dit, grattant son occiput:
“Il fait nuit, si j’avais su
Que la belle lune, comme pour rire,
Vient pour une minute, – sans dire,
Tout aurait été mieux. Tiens!
Je ne vois, ni n’entends rien…
Mais, attends, donc, il me semble
Qu’une petite fumée y tremble…
Regarde, là!.. Oui, c’est comme ça!..
Si, pour le brasier, on a
Du feu – une merveille! Ecoute,
Frère Ivan, mets-toi en route!
A vrai dire, pourtant, je n’ai
Rien du tout pour l’allumer.”
Et Daniel, lui-même, pense:
“Que tu n’aies pas de la chance
De rev’nir!” Gabriel dit:
“Qui sait ce qui brûle ici!
Si les brigands l’importunent, –
Adieu, mon frère, sans rancune!”
C’est un rien pour notre Idiot.
Il s’assied vite sur le dos
De son p’tit Ch’val, frappe ses côtes,
Le tiraille, de ses forces sottes,
Braille… Le Ch’val se cabre, et puis,
Disparaît vite dans la nuit.
“Que la force de Dieu nous cache!” –
Crie son frère parce qu’il est lâche,
Après, il se signe et dit:
“ Quel démon est, donc, sous lui?”
Le feu est plus clair par suite
De ce que le Ch’val court vite.
Le voilà devant le feu.
Le champ est tout lumineux:
La lumière perce la brume,
Mais elle ne chauffe, ni ne fume.
Etonné par la merveille,
Ivan dit: “Quoi de pareil?!
Cinq chapeaux de la lumière,
Mais elle ne chauffe, ne fume guère;
Quel beau feu original!”
Il entend dire son p’tit Ch’val:
“L’oiseau-de-Feu, je l’assume,
A perdu ici sa plume.
Mais, je prie, pour ton bonheur,
Ne la prends pas, mon seigneur.
Puisque cette plume amène
Bien beaucoup de grandes peines.” –
“Parle donc, ce n’est pas ça!” –
Pense Ivan, n’ècoutant pas,
Prend la plume, sans être lâche,
Et, dans des loques, il la cache,
Ensuite, il prend ces lambeaux
Et les met dans son chapeau.
Puis, Ivan vient chez ses frères
Et leur dit de cette affaire:
“Quand, là-bas, j’ai galopé,
Je n’ai vu qu’une souche brûlée;
Je me suis cassé la tête
Pour qu’elle n’ait pas la défaite;
Une heure, j’ai soufflé le feu –
Mais il s’est éteint, parbleu!”
Toute la nuit, ils rient, les frères,
Aux éclats, sans dormir guère;
Lui se couche sous le chariot,
Dort et ronfle, notre Idiot.
S’att’lant à l’heure matinale,
Ils vont à la capitale,
Au marché central qui est
Vis-à-vis des Grands Palais.
Il y avait un rite en ville:
C’est qu’à des sujets dociles,
Seul, le maire peut ordonner
Au marché de commercer.
A la messe, les cloches sonnent;
Et le maire de ville se donne
Au marché, rich’ment paré;
La garde le suit, bien armée.
Un héraut barbu y passe,
A côté, il a sa place;
Il sonne à sa trompette d’or
Et crie aux marchands très fort:
“Ouvrez vite les boutiques,
Commercez à tous pratiques!
Et que tous les surveillants
Soient assis près, en veillant
Pour qu’il n’y ait pas de tapage,
De cohue, de rixe en rage,
Pour qu’aucun salaud vilain
Ne trompe de bonnes gens de rien!”
Donc, on ouvre les boutiques,
On appelle tous les pratiques:
“Chers messieurs, venez ici,
Bienvenus, on vous en prie!
Nous avons des marchandises
Convenables à votre guise!”
Les ach’teurs viennent, regardant,
Achetant tout aux marchands;
Ceux-ci comptent, en première ligne,
L’argent, aux surveillants, clignent.
La garde de ville, à propos,
Arrive au rang des chevaux;
Elle y voit une bousculade.
Pas d’entrée, de promenade,
De sortie; le peuple rit,
On fourmille, on bat, on crie.
Notre maire de ville s’étonne
De cette grande joie et ordonne
A sa garde de libérer
Le passage pour y entrer.
“Ohé, vous, nu-pieds, les diables!
Arrière! On n’est pas aimable!” –
Crient nos braves moustachus,
Battent par des fouets ces pieds-nus.
Alors les gens bougent sur place,
Se découvrent, après, s’effacent.
On voit le rang des chevaux;
Là, il y a deux ch’vaux moreaux
Superbes, et leurs belles crinières
D’or ondulent jusqu’à la terre,
Frisées en ronds, leurs queues d’or
Tombent comme un ruisseau encore…
Malgré sa fougue, notre maire
Frotte sa nuque et pense, – que faire?
Il dit: “Que le monde de Dieu
A beaucoup de merveilleux!”
Et la garde fait des courbettes,
Ecoutant cette parole nette.
Cependant, le maire de ville
Ordonne aux sujets dociles
Que personne n’achète, ne vende
Ces chevaux sans sa commande;
Il va se rendre au palais
Pour parler au roi du fait.
En laissant la garde sur place,
Pour faire son rapport, il passe.
Là, il se met à crier:
“De grâce, mon roi-père, pitié!”
Puis, comme s’il donne corps et âme,
Il tombe par terre et s’exclame:
“Ne fais pas m’exécuter,
Ordonne-moi de te parler!”
Le roi daigne lui dire: “Raconte
Aisément, comme un bon conte.” –
“Comme je peux, je parlerai:
Je suis maire de ville, tu sais;
Juste, fidèle, honnête, j’exerce
Ce poste…” – “On sait ton commerce!” –
“J’ai pris notre détach’ment
Pour voir des chevaux au rang
Du marché. – J’ai vu la masse
Des badauds qui s’y entassent!
Que faire?.. J’ai dit de chasser
Pour ne pas nous empêcher.
Ça est fait, notre roi-père!
Qu’est-ce que je devais y faire?
Je vais au rang des chevaux;
Là, il y a deux ch’vaux moreaux
Superbes, et leurs belles crinières
D’or ondulent jusqu’à la terre,
Frisées en ronds, leurs queues d’or
Tombent comme un ruisseau encore…
Leurs sabots de diamants brillent,
Et de grandes perles y scintillent”.
Le roi ne peut pas rester.
“Il faudrait les regarder. –
Dit-il. – C’est mieux, si je veille
Au palais sur cette merveille.
Ma voiture, plus vite, holà!”
Déjà aux portes, la voilà.
Le roi fait vite sa toilette,
Se fait beau, comme à une fête.
Les archers du détach’ment
Suivent le roi, il vient au rang
Des chevaux. Le peuple y tombe,
Crie: “Hourra!” avec une pompe.
Le roi le salue, vite donc,
Saute de la voiture d’un bond…
Il regarde les ch’vaux sans cesse,
Tourne autour et les caresse,
Les appelle par des mots doux,
A leurs dos, il donne des coups,
Flatte leurs cous, sans craindre guère,
Et caresse leurs belles crinières.
Les ayant tant admirés,
Il se tourne pour demander
Alors aux personnes présentes:
“Qui a ces bêtes excellentes?
Qui est leur maître?” Et Ivan,
Comme un grand seigneur, mettant
Les mains aux hanches, comme s’il danse,
Fier, devant ses frères, s’avance
Et dit: “Ces ch’vaux sont les miens,
Je suis leur maître aussi, tiens!”
“Bien, alors, je les achète.
Tu les vends?” – “J’échange,” – “Chose faite!
Que veux-tu en échangeant?” –
“Deux fois cinq chapeaux d’argent!” –
“Ça fait dix que tu désires.”
Le roi fait peser sans dire
D’autres mots, et grâce à lui,
On ajoute cinq roubles aussi;
Le roi est si magnanime!
On mène ces chevaux sublimes
Aux étables du palais
Par dix vieux mais forts valets
Aux ceintures multicolores,
Aux cuirs de Cordoue encore.
En route, comme pour plaisanter,
Les chevaux les font tomber,
Pour v’nir chez Ivan; leurs brides
Sont rompues toutes, solides.
Notre roi doit revenir
Au rang du marché pour dire:
“Ivan, ces ch’vaux ne se laissent
A personne, sans ta caresse.
Rien à faire, il te faudra
Servir au palais, au roi.
Tu s’ras en or, si tu tâtes,
Paré, comme un coq en pâte,
Je te donne mon écurie
Pour que tu surveilles, je suis
Roi, garant de ma parole.
Toi, d’accord?” – “Voilà, ça colle!
Rien à faire, il me faudra
Servir au palais, au roi.
Je s’rai en or, si je tâte,
Paré, comme un coq en pâte!
Le roi me donne l’écurie
Pour que je surveille; ainsi,
Suis-je, d’un petit village,
Ecuyer de roi, tu gages!
Voilà une belle affaire! Soit,
Je vais te servir, mon roi.
Mais il ne faut pas me battre,
Faire, si j’dors, le diable à quatre!
Si pas comme ça, je fil’rai!”
Il siffle à ses deux coursiers,
Agite sa moufle, marche en ville,
Etonnant des gens tranquilles,
Parce qu’à la chanson du sot,
Ils dansent à la russe, ses ch’vaux;
Son petit Ch’val bossu même
Joue des tours, suivant ce thème
Musical. En attendant,
Les deux frères prennent tout l’argent
Du roi; pour qu’ils s’en assurent,
Ils le cachent dans leurs ceintures,
Puis, ils boivent de la vodka,
Chez eux, ils dirigent leurs pas.
Cet argent, ils le divisent,
Marient deux filles à leur guise
Et vivent, en se souvenant
De leur frère cadet Ivan.
Maintenant, donc, on les quitte,
Pour que, du conte, on profite
Afin de faire rire des gens
Chrétiens de c’ que notre Ivan
Fait lors de son bon service
Qui, d’abord, à lui, propice,
Fait de lui un grand sorcier;
De ce qu’il perd sa plume, mais
Prend l’Oiseau de Feu et mène
Chez le roi la belle Fille-Reine;
De ce qu’il est le chercheur
De sa bague, l’ambassadeur
Au ciel (en cité solaire,
Il supplie la Lune-Mère
Pour la bête baleine); en gros,
De ce qu’il sauve trente bateaux;
De ce que, dans les chaudières,
Il devient très beau, prospère, –
Donc, il faut parler de ça,
Comment il va être roi.
“Conter, c’est vite fait,
Commençons notre récit
Sur les belles espiègleries
D’Ivan, dont l’histoire est faite,
Comme du Ch’val gris-brun, prophète.
A la mer, des chèvres allaient;
De bois, des monts se couvraient;
Un cheval brisa sa bride,
Monta au soleil, timide;
Une forêt est sous son pied,
Un grand nuage est à côté;
Ce nuage va là et s’éclaire,
Au ciel, il fait du tonnerre.
C’est une ritournelle: attends,
Le conte est tout près, vraiment.
A la mer très orageuse,
Là, sur l’île Tapageuse,
Il y a une bière neuve au bois,
Une jeune fille est couchée là;
Au-d’ssus le rossignol chante;
Une bête noire y court, méchante,
C’est une ritournelle, – eh bien,
C’est le tour du conte qui vient.
Vous voyez, donc, chers laïques,
Ortodoxes chrétiens pudiques,
Comment notre bon Ivan
S’ingère au palais brav’ment;
Son service est aux étables,
Il n’est pas très regrettable
Pour lui de penser aux siens, –
Au palais, il se sent bien.
Ce n’est pas du tout l’affaire
Pour lui de penser aux frères:
Il a dix boîtes de chapeaux,
D’habits, de bottes, – tous sont beaux,
Il mange et dort tant, le brave,
Qu’il ait une vie sans entraves.
Après cinq semaines passées,
Un valet doit remarquer…
Il faut dire qu’aux étables,
Jadis, ce valet capable,
Fils d’un noble, avait été
Supérieur, si vous savez.
C’est clair qu’il est furieux contre
Notre Ivan, qu’il jure qu’il montre
La porte au nouveau-venu,
Même s’il en était perdu.
Mais, cachant sa grande malice,
Il fait mine d’être propice,
Complèt’ment myope et sourd-muet
A toute éventualité.
“Attends, je te chass’rai,” – pense
Ce coquin, – “Sale type, sans chance!”
Donc, après cinq s’maines passées,
Ce valet doit remarquer
Qu’Ivan ne veut pas s’y prendre,
Qu’il ne se presse pas d’apprendre
Le dressage à ses chevaux;
Mais ils sont toujours très beaux,
Comme s’il les lave, s’il leur tresse
Les crinières, s’il leur caresse
Le poil, il est lisse au dos,
Les franges se serrent de bandeaux;
Il y a du blé frais aux stalles
(Comme si c’est sa place natale),
Dans de grands cuveaux, de l’eau
Est versée fraîche, comme il faut.
“Qu’est-ce qu’on a ici à dire? –
Se dit-il et en soupire, –
Attendez, peut-être, vient,
Chez nous, un nouveau lutin?
Je ferai ici une ronde,
Si non, je pourrai au monde
Faire courir un p’tit bruit faux
(Pourvu qu’on épuise l’Idiot);
Je peux au Grand Conseil dire:
Le palefrenier est pire
Qu’un devin, qu’un étranger,
Qu’un gredin et qu’un sorcier;
De l’ami-diable, il profite;
Les temples, il ne les visite
Jamais; il porte une croix
Catholique et ne jeûne pas.”
Le soir, ce valet capable,
Ancien supérieur d’étables,
Se cache aux stalles en secret,
Dans l’avoine et le millet.
Le moment du minuit sonne.
Du mal au coeur, il frissonne:
Plus mort que vif, du trac fou,
Il regarde par un trou, –
Le lutin? Non? Quelle attente…
Sourdement, les portes chantent,
Les chevaux trépignent, voilà,
Le palefrenier est là.
Il ferme au verrou la porte,
Ote le chapeau qu’il porte,
Puis, sur la f’nêtre, il le met,
Du chapeau, il tire après
Le trésor de roi (qu’il cache
Si bien que personne ne sache) –
La plume de l’Oiseau de Feu.
Quelle lumière! Le valet peut
A peine se taire, – il tressaille,
Fait tomber les grains, la paille.
Le lutin ne le voit pas,
Il met la plume à l’endroit
Réservé aux grains; il lave
Les chevaux, les peigne, le brave,
Fait des tresses d’une belle façon
Et chante de divers chansons.
Le valet se pelotonne,
Car, dans la peur, il redonne,
Regarde par l’oeil mi-fermé:
Qui vient pour polissonner?
Sans barbe, ni cornes, un bon torse –
Un gaillard de première force!
En exprès, ce beau fripon,
S’est-il si paré, démon?
Les ch’veux lisses et la chemise
En beaux pass’ments est de mise,
Les bottes comme du maroquin, –
C’est Ivan, de point en point!
Une merveille? L’espion regarde
Le lutin, et en prend garde…
“Voilà ce qui c’est! – enfin,
Grommelle notre vieux malin. –
Demain, le roi va apprendre
Ce que tu ne veux pas rendre.
Attendons le point du jour,
Tu t’en souviendras toujours!”
Ivan ne sait pas qu’on fasse
Le danger qui le menace,
Fait des tresses d’une belle façon
Et chante de divers chansons.
Il verse en cuves, – d’eau douceâtre,
Avec soin, pas quatre à quatre,
Et remplit les stalles de blé,
D’avoine et de bon millet.
Il bâille, prend la plume, la cache
En loques, pour que nul ne sache, –
Sous l’oreille, met son chapeau
Et se couche derrière ses ch’vaux.
Sitôt que le jour commence,
Le valet profite de chance,
Il écoute d’abord, peureux:
Ivan ronfle comme un preux.
Doucement, le valet tente
De ramper vers lui; le pante
Glisse dans le chapeau ses doigts,
Tire la plume, – court à grands pas.
Dès que le roi se réveille,
Le valet vient, car il veille.
Il frappe à terre par son front
Et commence sa chanson:
“Mon roi, je m’avoue coupable,
Et si tu peux être aimable
De ne pas m’exécuter,
Ordonne-moi de te parler”. –
“Parle, sans que tu détailles
Faux, – lui dit le roi et bâille. –
Mais si tu vas me tromper,
Je dirai de te fouetter.”
Lui recueille ses forces en face
Du roi, puis il dit: “De grâce!
Je te jure sur ma croix,
Je dénonce au vrai. Voilà:
Notre Ivan, autant qu’on sache,
De toi, mon roi-père, ne cache
Ni argent, ni or, – mais mieux –
La plume de l’Oiseau-de-feu…” –
“La plume?.. Je vais le maudire!
Et il a osé, le pire…
Attends, le riche scélérat!
Le temps vient, on te fouett’ra!..” –
“Encore, cet Ivan se vante! –
Reprend le valet et chante,
S’inclinant: – Ce serait beau,
S’il n’ait que la plume d’Oiseau:
Il trouv’ra l’Oiseau magique
Pour ta chambre monarchique,
Si tu lui ordonnes. Il peut
Le faire vite, si tu le veux”.
Après cette parole faite,
Le valet, tout en courbettes,
S’approche du lit pour donner
La plume, en restant courbé.
Le roi la regarde, admire,
Caresse sa barbe, – et de rire!
De la plume, il mord la fin
Et la cache dans son écrin.
Il crie (d’une grande impatience)
Et prouve son désir immense
D’un mov’ment de son poing gros:
“Hé! App’lez-moi vite l’Idiot!”
Tout de suite, les domestiques
Courent pour l’ordre monarchique,
Pourtant, ils se heurtent au coin,
Et tombent tous par terre enfin.
Le roi rit sans prendre garde
Des coliques. On lui regarde
Ce qui le fait rire; les gens
Clignent de l’oeil et tombent devant
Le roi pour faire encore rire
Tant que ça puisse le suffire.
D’un chapeau, le roi content
Leur fait pour ça le présent.
Puis, les nobles de cour sortent
Pour am’ner sous bonne escorte
Chez le roi le pauvre Ivan,
Sans faire des frasques, à présent.
Enfin, aux étables, ils viennent,
Ouvrent les portes et les tiennent
Grandes ouvertes, avec leurs pieds,
Poussent Ivan à ses côtés.
Ils le font presqu’une d’mie-heure
En vain, il dort (qu’ils en pleurent!).
Un soldat, par un balai,
Le réveille pour ces valets.
“A qui est cette valetaille? –
Dit Ivan, se lève et bâille. –
Mais je vais vous tous fouetter,
Pour que vous ne réveilliez
Pas Ivan qui dort, sans cause ”.
Les valets lui disent telle chose:
“Le roi nous a ordonné
Au palais de t’amener”. –
“Le roi?.. Ça va. Je vais mettre
Tout c’ qu’il faut pour y paraître,” –
Leur dit notre brave Ivan.
Il met son meilleur caf’tan,
Ensuite, il met sa ceinture,
Se lave et fait sa coiffure,
Accroche au côté son fouet,
Comme une cane, passe au palais.
Chez le roi, faisant la tête,
Il arrive, fait ses courbettes,
Glousse deux fois pour demander:
“Pourquoi m’as-tu réveillé?”
En clignant les yeux, pour faire
Peur, le roi crie en colère,
Se levant: “Silence! L’Idiot,
Réponds-moi vite comme il faut!
Tu caches de moi, par quel ordre? –
Mon trésor, – n’ose pas me tordre
Le sens de ça, – dans quel lieu? –
La plume de l’Oiseau-de-feu!
Suis-je roi, seigneur ou noble?
Réponds, le Tatar ignoble! ”
Brandillant sa main, Ivan
Dit alors au roi: “Attends!
Mais je n’ai pas pu te rendre
Mon chapeau. Tu viens d’apprendre,
Comment? Tu es prophète, donc?
Ça va! Mets-moi en prison!
Pas de plume – baste! Ordonne,
Si tu veux, qu’on me bâtonne!..”
“Réponds! Ou je te fouett’rai!..” –
“Clairement, je te dirai:
Pas de plume! Dis, sans débacles,
Où trouver un tel miracle?”
Le roi saute vite du lit,
Ouvre son écrin et dit:
“Voilà! Tu oses contredire?
Mais non, mon cher! Tu n’en tires!
C’est quoi? Hein?” Alors, Ivan
Tressaille comme un papier blanc,
Son chapeau tombe des mains lasses.
“Tu es dans une mauvaise passe! –
Dit le roi. – Mon gars, attends!..” –
“De grâce! C’est ma faute, vraiment!
Pardonne à Ivan sa faute,
Je ne f’rai plus de blagues sottes”.
Il s’env’loppe de son pan et
Se prosterne sur le plancher.
“Cette fois est la première,
Je pardonne, comme un père, –
Dit le roi à notre Ivan. –
Mais je suis fâché tell’ment!
Et si la colère m’emporte,
J’ôte ta tête, les ch’veux qu’elle porte,
Je suis comme ça! En gros,
On dit que, sans trop de mots,
Pour ma chambre monarchique,
Tu trouv’ras l’Oiseau magique,
Si je veux te l’ordonner;
Tu te vantes de l’apporter.
Tu ne peux pas t’en dédire,
Trouve-le comme tu viens de dire!”
Ivan saute comme une toupie.
“Je ne te l’ai jamais dit! –
Crie-t-il, en sentant le pire. –
Je ne peux pas me dédire
De la plume, mais à propos
De l’Oiseau-de-feu – c’est faux”.
Le roi branle la barbe en rage:
“Aux disputes, tu m’engages? –
Crie-t-il à haute voix. – Vois ça,
Si tu, dans deux s’maines ou trois,
Ne trouves pas l’Oiseau magique
Pour ma chambre monarchique, –
Sur ma barbe, je jur’rai:
Même sous l’eau, je te trouv’rai
Partout, pour que je t’empale!
Va-t’en, serf!” Ivan, très pâle,
Pleure, va à la grange des foins,
Où son p’tit Cheval se tient.
En flairant Ivan, il danse
A la russe, plein d’impatience.
Mais, voyant que l’Idiot pleure,
Son Ch’val perd sa bonne humeur.
“Tu n’es pas gai au visage,
Ou tu as perdu courage? –
Pose le p’tit Ch’val cette question,
Se tournant près des talons. –
Ne cache pas ce qui se passe,
Et de quoi ton âme est lasse.
Je suis tout prêt à t’aider.
Tu n’es pas de bonne santé?
Un gredin t’as pris en piège?”
Lui l’embrasse au cou: “Où vais-je? –
Dit Ivan à son p’tit Ch’val, –
Tu sais, j’ai un très grand mal –
Le roi veut l’Oiseau magique
Pour sa chambre monarchique.
Que dois-je faire, mon petit
Cheval?” Celui-ci lui dit:
“C’est mal, je dis sans débattre,
Mais je me mettrai en quatre,
J’aid’rai. Ton malheur est grand
Parce que tu ne m’entends
Pas: rappelle-toi bien qu’en brume,
Toi, tu as trouvé la plume;
J’ai prié pour ton bonheur
De laisser la plume, d’ailleurs!
Parce que cette plume amène
Bien beaucoup de grandes peines.
Tu as su de toute façon,
Si j’avais eu la raison.
A vrai dire sans malice,
C’est encore un p’tit service.
Le service nous attend!
Va chez le roi maintenant,
Je veux bien que tu lui dises:
“Il faut deux auges pour la prise
De l’Oiseau, du millet blanc,
Du vin d’outre-mer, – pour en
Remplir l’une.” Dis qu’il se presse,
Car demain, à l’aube, on laisse
Notre ville pour s’en aller”.
Donc, Ivan va déclarer
Tout au roi comme à sa guise:
“Il faut deux auges pour la prise
De l’Oiseau, du millet blanc,
Du vin d’outre-mer pour en
Remplir l’une. Dis qu’on se presse,
Car demain, à l’aube on laisse
Notre ville pour s’en aller.”
Le roi crie pour ordonner
A ses nobles domestiques
De trouver tout en pratique.
Il dit: “Tu es brave, Ivan!
Bon voyage, mon gars, maint’nant!”
A l’aube, le p’tit Ch’val réveille
Ivan et dit: “Maître, veille!
Ne dors pas, car il nous faut
Accomplir la tâche plus tôt. ”
Notre Ivan se lève, se lave,
Se met en route, sans entraves,
Prend ce qui est préparé:
Les auges, le vin, le millet.
Il s’habille chaud’ment d’avance,
Monte à son p’tit Ch’val qui danse,
Pour manger, il prend un pain
Et part à l’Orient très loin
Pour trouver l’Oiseau magique.
On va huit jours en pratique.
Enfin, on arrive tout près
D’une clairière au bois épais.
Le p’tit Ch’val s’arrête pour faire
Ce discours: “C’est une clairière
Avec un mont au milieu;
Ici les Oiseaux-de-feu
Viennent toujours avant l’aurore
Pour boire de l’eau douce encore.
Et au bord de ce ruisseau,
Nous prendrons ces beaux oiseaux”.
Sitôt qu’il finit de faire
Ce discours, – à la clairière,
Il arrive. Ce petit champ
D’émeraude est si charmant;
Au-dessus, une brise légère
Sème des feux à la clairière;
Sur le vert, on voit pousser
Des fleurs de toute la beauté.
Au milieu de la clairière,
Comme un tas de nuages éclaire
Là, un mont s’élève, très grand,
Tout est fait de pur argent.
Le soleil d’été y brille,
Couvre de feux, en scintille;
Comme l’or, court en replis,
Brûle en haut comme une bougie.
Le p’tit Ch’val court à mi-côte
Du mont, monte à la cime haute.
Il fait deux milles à peu près
Et s’arrête pour dire après:
“Bientôt la nuit, Ivan, tombe.
Tu dois y faire une ronde.
Verse dans une auge le vin,
Mélange-le au millet bien.
Pour que nul ne te découvre,
Par une autre auge tu te couvres.
Regarde à la dérobée,
Ne dors pas, tu dois veiller.
Ces oiseaux viendront encore
Avant que revienne l’aurore,
Se mettront à becqueter
Le millet et à crier.
Qui est proche, tu le rattrappes
Et le tiens sans qu’il s’échappe.
L’ayant, crie comme un perdu,
Comme pour faire du chahut.
Je viendrai à toute allure”. –
“Si, après, j’ai des brûlures? –
Lui demande notre Ivan,
En ôtant son beau caf’tan, –
Contre ce grand feu, dirais-je,
Il faut des moufles qui protègent.”
Le p’tit Ch’val va se cacher,
Notre Ivan geind pour glisser
Sous son auge en bois de chêne,
Où il s’étendra à peine.
Tout à coup, quand il fait nuit,
Sur le mont, tout s’éclaircit,
La lumière du jour est pleine –
Les Oiseaux-de-feu y viennent,
Et ils se mettent à crier,
Courir, prendre du millet.
Sous l’auge, notre Ivan se garde,
Par une fente, il les regarde,
De sa main, fait des mouv’ments
Et se dit, en s’étonnant:
“Pouah, quelle force diabolique!
Que de créatures magiques!
Cinquante bêtes sont, à peu près.
Prendre toutes, je le voudrais!
On aurait un gain, sans dire!
Des pattes rouges, des queues – pour rire:
Ces oiseaux sont tous très beaux,
Infin’ment, sans dire un mot!
Aucune poule n’y ressemble.
La lumière, comme il me semble,
Est comme du four de papa!”
L’ayant dit, notre Ivan va
A grand-peine de l’embuscade.
Sans les mettre en débandade,
Il rampe vers l’auge au millet
Et arrive à attrapper
Un oiseau par la queue: “Vite!
Viens, ou j’ai les mains toutes cuites!
J’ai saisi, donc, cet oiseau!” –
Au p’tit Ch’val crie notre Idiot.
Le p’tit Ch’val bossu vient vite:
“Bien, mon maître, tu es quitte
De cette tâche! – dit son p’tit Ch’val, –
Pour ne pas te faire du mal,
Mets-le dans le sac et serre
Par un noeud. Prends tes affaires,
Il nous faut vite retourner”. –
“Permets de les effrayer! –
Dit Ivan. – Ils s’époumonnent,
Regarde un peu, – je leur donne
Des coups!”. Il saisit son sac,
Aux oiseaux, donc, il le braque,
Crie aux bêtes, les bat pêle-mêle.
La volée secoue les ailes,
S’enroule comme un cercle de feu,
Disparaît vite dans les cieux.
Notre Ivan l’Idiot agite
Tell’ment ses moufles à la suite
Des oiseaux, il crie si haut,
Comme s’il est arrosé d’eau
Alcaline. Ensuite, ils prennent
Le trésor de roi et viennent,
Après leur voyage très long
De retour, à la maison.
Les voilà, en capitale.
“Où est cette merveille bestiale?” –
Demande le roi à Ivan,
Fixant le valet, tout blanc
D’ennui, qui mord, comme en transe,
Ses mains d’ une grande impatience.
“J’ai trouvé l’Oiseau, voilà”, –
Dit Ivan alors au roi.
“Où est ça?” – “Il faut attendre
Un peu, donc, et dans ta chambre,
Fermer f’nêtres, portes – tout,
Pour faire la pleine nuit partout”.
Alors tous les domestiques
Courent pour l’ordre monarchique.
Ivan tire le trésor:
“Allez, vite, allez, encore!”.
On voit une telle lumière
Qu’on voile les yeux pour les faire
Sauver! Le roi pousse des cris:
“Mon Dieu, c’est une incendie!
App’lez des pompiers plus vite!
De l’eau, ou bien, on nous fritte!” –
“Aucune incendie, c’est mieux, –
Ainsi brille l’Oiseau-de-feu, –
Dit Ivan, se met à rire, –
Voilà ce qui t’amuse, sire,
C’est pour toi, ce beau trésor!” –
Dit Ivan au roi alors.
“J’aime l’ami Ivan, sans blâme!
Tu as soulagé mon âme!
Tu s’ras mon, – ma joie est telle, –
Palefrenier personnel!”
Le valet désagréable,
Ancien supérieur d’étables,
L’ayant vu, se dit douc’ment:
“Non, mon blanc-bec, tu attends!
Donc, il arriv’ra, je pense,
Que tu n’aies plus de la chance.
Je jou’rai un mauvais tour,
Mon ami, sois sûr toujours!”
Un beau soir, dans trois semaines,
Donc, dans la cuisine, se tiennent:
Serviteurs de cour, valets
Domestiques et cuisiniers;
Du bon hydromel, ils boivent
Et lisent de bons contes, nos braves
Gens. Soudain, un serviteur
Dit: “Ce jour, j’ ai pris, d’ailleurs,
Au voisin un petit livre!
Pour un temps, il me le livre.
Avec cinq contes, à peu près.
Mais ces contes sont, je dirais,
Etonnants, quand on va lire,
C’est génial de les écrire!”
Tout le monde dit: ”Sois ami!
Raconte-les, ne fais pas fi!” –
“Mais qu’est-ce que je vous raconte?
Attendez que je les compte:
Il s’agit, donc, au troisième …
Ensuite,
Au cinquième… j’ai oublié!..
Il s’agit … d’une chose bien faite…
Cela trotte dans ma tête…” –
“Laisse-le!” – “Attends, attends!..” –
“D’une belle?.. Tu penses longtemps!” –
“Oui, vraiment, c’est cela même!
C’est
Quel est le conte, mes amis,
Que, selon vous, je choisis?” –
“Celui où est la Fille-reine! –
Crient tous. – On a toute la pleine
Collection de divers rois!
Parle des belles! C’est mieux, ça!”
Et le serviteur raconte,
Avec la portée, le conte:
“Près des terres, soi-disant,
Etrangères, un océan
Se trouve. Les barbares passent
Là, ils sont seuls qui le fassent;
Des terres chrétiennes purement,
N’y arrivent ni paysans,
Ni bourgeois, de plus, ni nobles,
Sur cet océan ignoble.
On entend des voyageurs
Qu’une Fille y vit, belle comme fleur;
Elle n’est pas simple, elle est une
Des enfants de la belle Lune,
Son frère est le beau Soleil.
Cette Fille n’a pas sa pareille:
Elle porte un manteau rouge,
Part dans une barque d’or qu’elle bouge
Par une grande godille d’argent
Qu’elle dirige elle-même vraiment;
Elle joue la musique et chante
De divers chansons charmantes…”
Le valet saute donc d’un coup,
Il prend ses jambes à son cou, –
Et court très vite, pour paraître
Au palais, devant son maître;
Il frappe à terre par son front
Et commence sa chanson:
“Mon roi, je m’avoue coupable,
Et si tu peux être aimable
De ne pas m’exécuter,
Ordonne-moi de te parler”. –
“Parle et ne me trompe guère!” –
Crie le roi du lit. – “Mon père, –
Dit le vil valet rusé, –
Nous avons été tous et
Avons bu à la cuisine,
Pour que tu aies bonne mine.
Par un conte, un serviteur
A bien amusé nos coeurs;
Il s’agit, comme il raconte,
D’une Fille-reine dans ce conte.
Alors ton palefrenier
Prétend qu’il connaisse assez
Cet Oiseau, et qu’il le prenne, –
Ainsi nomme-t-il la Fille-reine, –
Qu’au palais, il puisse l’am’ner,
Si tu veux lui ordonner”.
Par son front, le valet frappe
Le plancher. “Que l’on m’attrappe
L’écuyer!” – crie notre roi.
Derrière le four, le pante va.
Et les nobles de cour sortent
Pour am’ner sous bonne escorte
Ivan, ils le trouvent dormant;
En seule ch’mise, ils mènent Ivan.
Le roi lui dit: “Je t’annonce,
Cher Ivan, qu’on te dénonce:
Tu te vantes d’amener,
Si je veux te l’ordonner,
Un Oiseau plus exotique,
La Fille-reine, princesse mystique…” –
“Que dis-tu, mon Dieu, assez! –
Commence le palefrenier. –
A moitié dormant, je pense,
J’ai fait cette confidence.
Finasse bien comme tu voudras,
Je ne suis pas si jeune, moi”.
Le roi branle la barbe en rage:
“Aux disputes, tu m’engages? –
Crie-t-il à haute voix. – Vois ça,
Si tu, dans deux s’maines ou trois,
Ne trouves pas la Fille-reine
Pour que, chez moi, tu l’amènes, –
Sur ma barbe, je jur’rai:
Même sous l’eau, je te trouv’rai
Partout, pour que je t’empale!
Va-t’en, serf!” Ivan, très pâle,
Pleure, va à la grange des foins,
Où son p’tit Cheval se tient.
“Tu n’es pas gai au visage,
Ou tu as perdu courage? –
Doit son Ch’val lui demander. –
Tu n’es pas de bonne santé?
Un gredin t’as pris en piège?”
Lui l’embrasse au cou: “Où vais-je? –
Dit Ivan au p’tit Cheval, –
De nouveau, j’ai un grand mal –
Le roi veut que je lui mène
Dans sa chambre une Fille-reine.
Que dois-je faire, mon petit
Cheval?” Celui-ci lui dit:
“C’est mal, je dis sans débattre,
Mais je me mettrai en quatre,
J’aid’rai. Ton malheur est grand
Parce que tu ne m’entends
Pas. A vrai dire sans malice,
C’est encore un p’tit service.
Le service nous attend!
Va chez le roi maintenant,
Et dis comme ça: “Pour sa prise,
Deux serviettes me suffisent,
Une tente brodée d’or,
Un couvert très cher encore
D’outre-mer, des friandises
Fraîches”. Il faut que tu le dises.”
Ivan va, donc, chez le roi
Et lui dit alors tout ça:
“Quant à la Fille, pour sa prise,
Deux serviettes me suffisent,
Une tente brodée d’or,
Un couvert très cher encore
D’outre-mer, des friandises
Fraîches. Il faut que tu le dises.”
“C’est mieux, que dire “non”, vraiment.” –
Dit le roi à notre Ivan.
Il ordonne aux domestiques
Qu’ils trouvent tout ça en pratique,
Et dit: “Tu es brave, Ivan!
Bon voyage, mon gars, maint’nant!”
A l’aube, le p’tit Ch’val réveille
Ivan et dit: “Maître, veille!
Ne dors pas, car il nous faut
Accomplir la tâche plus tôt. ”
Notre Ivan se lève, se lave,
Se met en route, sans entraves,
Il met la tente, le couvert
Très cher, fait en outre-mer,
Les serviettes, les friandises, –
Toutes les choses qui le suffisent,
Dans un sac pour porter mieux
Et le serre par un gros noeud.
Il s’habille chaud’ment d’avance,
Monte à son p’tit Ch’val qui danse,
Pour manger, il prend un pain
Et part à l’Orient très loin
Pour trouver cette Fille-reine.
Ils passent en route toute une s’maine.
Enfin, ils arrivent tout près
D’un bois qui est très épais.
Le petit Ch’val dit: “Cette route
Mène à l’océan, ne doute
Pas du tout, que toute l’année,
La belle Fille-reine vive là; et
Il faut deux fois qu’elle en sorte,
Dans ce cas, elle nous apporte
Sur la terre une longue journée.
Demain, tu vas la trouver.”
L’ayant dit, le p’tit Ch’val saute,
Court et vient vite à la côte,
Où la vague blanche, errant
Seule, porte une crête écumant.
Donc, Ivan descend par terre,
Le p’tit Ch’val lui dit que faire:
“Dresse la tente, mets le couvert
Très cher, fait en outre-mer.
Mets aussi les friandises;
Ça l’attire avant la prise.
Derrière la tente, cache-toi,
Tiens en tête ce que tu vois.
Là-bas, donc, vois-tu une barque?
C’est la Fille-reine qui débarque.
Qu’elle vienne dans la tente alors,
Qu’elle mange et boive encore;
Quand elle f’ra de la musique, –
Sache, c’est le moment unique:
Cours vite dans la tente alors,
Saisis la Fille-reine très fort,
Tiens de toutes tes forces la belle,
Ensuite, le plus vite, appelle-
Moi, à ton premier appel,
Je viendrai chez toi comme tel;
Et on va partir… Mais veille,
Il faut que tu la surveilles;
Si tu la manques en dormant,
Ton malheur sera très grand!”
Le petit Cheval se cache,
Notre Ivan, sans être lâche,
Va derrière la tente, donc, et
Fait un p’tit trou pour guetter.
Le soleil de midi brille;
Voilà notre belle Fille
Vient dans la tente brodée d’or,
S’assied pour goûter alors
De bons mets. “C’est cette Fille-reine!
De laquelle autour on mène
Tapage, – se dit notre Ivan, –
Qui est belle, au visage blanc.
La Fille-reine, une vraie merveille!
Cette fille que je surveille
N’est pas belle, elle est pâle et
De cinq pouces, pour l’embrasser;
Et ses jambes sont si fragiles!
Comme d’une poule très subtile!
Que quelqu’un veuille bien l’aimer,
Même pour rien, je ne prendrai,
Non!” La Fille-reine joue et chante
D’une belle voix si charmante,
Que l’Idiot, ne sait comment,
Se blottisse, en s’endormant,
Et, à cette voix si douce,
Dort fort bien sans qu’on le pousse.
Lentement, l’Ouest s’éteint,
Le p’tit Ch’val hennit soudain,
En poussant Ivan pour faire
Se lever, et crie, sévère:
“Dors, mon cher, jusqu’aux étoiles!
Attends, donc, un nouveau mal,
Ce n’est pas moi qu’on va battre!”
Celui-ci, sans se débattre,
Pleure, se met à demander
Au Ch’val de le pardonner:
“Pardonne à Ivan sa faute,
Je ne dors plus!” Il sanglote.
“C’est Dieu qui te pardonn’ra! –
Crie son Ch’val, – Mais ne pleure pas,
On peut tout refaire, je pense,
Ne dors plus, – je prie d’avance!
Car demain, avant l’aurore,
Vers la tente brodée d’or,
Cette Fille viendra pour prendre
Des douceurs, tu dois l’attendre
De nouveau. Si tu t’endors,
Sans tête, tu seras alors”.
De nouveau, le Ch’val se cache;
Aux épaves, notre Ivan tâche
De trouver quelques bons clous
Des navires naufragés, ou
Des pierres, pour que ça le blesse,
Si, soudain, un somme le presse.
Le lend’main matin encore
Une fois, près de la tente d’or
La même Fille-reine débarque
Et laisse sur la côte sa barque,
Vient dans la tente pour manger,
Devant le couvert, s’assied…
Ensuite, la Fille-reine chante
Des chansons d’une voix charmante,
Et Ivan veut de nouveau
Dormir sans faire ce qu’il faut.
“Non, attends, la vilaine, cesse, –
Dit-il, se lève et se presse
Vers la tente, –Tu n’iras pas!
Je ne suis pas si jeune, moi!”
Ivan entre dans la tente,
Saisit une longue tresse charmante:
“Oh! Mon p’tit Ch’val, viens ici!
Aide-moi, mon Ch’val, je t’en prie!”
Le p’tit Ch’val vient tout de suite:
“Excellent, Ivan! Plus vite,
Mets-toi sur mon dos alors
Et tiens cette Fille-reine plus fort!”
Loin, la capitale se montre.
Le roi court à la rencontre
De la Fille-reine, il la fait
Entrer dans son grand palais
Et la fait s’asseoir à table.
Le roi tâche d’être aimable:
Il regarde dans ses yeux
Et dit d’un ton délicieux:
“Chère jeune Fille incomparable,
Sois ma reine incontestable!
Aussitôt que je t’ai vue –
J’ai senti: je suis perdu
D’une passion forte. Et je souffre,
Car je suis comme dans un gouffre,
Jour et nuit, de tes beaux yeux
Qui sont si miraculeux!
Dis un p’tit mot doux et sage!
Tout est prêt pour le mariage;
Demain, quand le jour viendra,
Ma chère, on nous mari’ra.
Notre vie va couler douce”.
La jeune Fille sans qu’elle le pousse,
Se détourne sans parler,
Même sans le regarder.
Le roi ne se fâche guère,
Mais il tâche de lui plaire:
Devant elle, il tombe à g’noux,
Serre ses mains blanches, comme un fou,
Et reprend son bavardage:
“Dis un p’tit mot doux et sage!
Je te cause du chagrin?
Parce que je t’aime bien?
Mon destin est si tragique!”
La Fille dit à cet antique
Roi: “Si tu veux m’épouser,
Tu dois en trois jours trouver
Au fond d’océan ma bague”. –
“Appelez Ivan, sans blagues!” –
Crie le roi en se pressant,
Comme s’il veut courir vraiment.
Chez le roi, Ivan retourne.
Vers Ivan, le roi se tourne
Et lui dit alors: “Ivan!
Va plus vite à l’océan!
Là, la bague de la Fille-reine
Est gardée sans qu’on la prenne.
Si tu la trouves maintenant,
Je te comble de présents!” –
“Je me traîne à peine, écoute,
Après la première route;
Tu renvoies à l’océan!” –
Dit Ivan, très mécontent.
“Faut-il que je ne me presse
Pas, quand je veux les noces? Cesse
De parler!” – crie notre roi
En colère; des pieds, il bat
Le plancher. – Sans te dédire,
Mets-toi en route sans rien dire!”
Il tourne pour partir, Ivan.
“Eh! Ecoute, chemin faisant, –
Lui dit la belle Fille-reine, –
Je voudrais bien que tu mènes
Tes pas dans mon beau château
Pour dire à ma mère ces mots:
Sa fille veut alors apprendre,
Pourquoi elle, toujours si tendre,
Cache d’elle trois nuits et trois jours
Sa face claire? Et à son tour,
Pourquoi le Soleil, mon frère,
Se cache aux nuages pour faire
Le mauvais temps et, du haut,
Il ne m’envoie pas de beaux
Rayons? N’oublie pas!” – “Je tâche
De ret’nir, mais ne t’en fâche
Pas, si je veux bien savoir
Qui sont tes proches pour pouvoir
M’adresser sans me méprendre”. –
La Fille-reine lui fait entendre:
“La Lune m’est mère, le Soleil
Est mon frère”. – “Dans trois jours, veille!” –
Notre roi-fiancé l’ajoute,
Et Ivan reprend sa route.
Il va à la grange des foins,
Où son p’tit Cheval se tient.
“Tu n’es pas gai au visage,
Ou tu as perdu courage? –
Pose son p’tit Ch’val cette question.
“Aide-moi, mon petit Ch’val, donc!
Le roi épous’ra cette Fille-
Reine, mince comme une aiguille,
Il m’envoie à l’océan, –
Lui dit notre pauvre Ivan. –
Dans trois jours, je dois le faire, –
Comment ça pourrait me plaire? –
Trouver sa bague magique d’or!
Cette reine mince a dit encore
De saluer la Lune, sa mère,
Au château – c’est où?, – son frère,
Le Soleil, de demander…”
Son p’tit Ch’val, pour l’arrêter,
Dit: “A vrai dire sans malice,
C’est encore un p’tit service.
Le service nous attend.
Va dormir, mon cher Ivan;
Car demain, donc, de bonne heure,
Nous quitt’rons notre demeure”.
Le matin, Ivan met trois
Oignons dans la poche et va
S’habiller chaud’ment d’avance,
Monter à son Ch’val qui danse
Et partir du pays loin…
Donnez du repos, enfin!
Tra-la-la! Bats du tambour!
Les chevaux sortent de la cour.
Les paysans, donc, les attrapent
Et attachent sans qu’ils s’échappent.
Sur un chêne, un vieux corbeau
Est assis au sommet haut,
Il joue bien de la trompette
Et fait aux Chrétiens une fête:
“Braves gens! Il était une fois,
Un très bon mari qui a
Une femme; comme il commence
Des blagues, alors, sa femme danse;
De ça, ils font un festin
Pour le monde entier chrétien!”
C’est encore une ritournelle,
Un bon conte va après celle-
Ci. Près des portes, une chanson
Est chantée par un mouch’ron:
“Que donne-t-on pour la nouvelle?
Une belle-mère bat sa belle-
Fille: elle l’a mise au foyer,
Par une corde, l’a attachée,
La serre, comme une poule par pattes,
Et déchausse sa jambe droite:
“La nuit, ne sors nulle part!
Ne te montre pas aux gars!“
C’est la ritournelle qu’on danse,
Voilà le conte qui commence.
Alors, donc, notre Ivan va
Chercher la bague pour le roi.
Comme le vent, son p’tit Ch’val passe
Vers le soir la grande surface
De plus de trois cent mille pieds,
Sans, nulle part, se reposer.
Donc, à l’océan, ils viennent,
Le Ch’val dit: “Cette route nous mène,
Cher Ivan, regarde, dans
Trois minutes à l’océan.
Nous irons à une clairière,
D’où on voit, comme une barrière,
En travers de l’océan,
Un très grand poisson gisant.
Cette Baleine a ces souffrances
Dix ans, sans avoir la chance,
Un jour, d’être pardonnée;
Et elle va te demander
Que, dans la Cité Solaire,
Tu pries la Lune de lui faire
Pardon; tu le promettras,
Mais, Ivan, ne l’oublie pas!”
Ils arrivent à la clairière,
D’où on voit, comme une barrière,
En travers de l’océan,
Un très grand poisson gisant.
Des paysans labourent ses côtes
Tout près des palissades hautes.
Un bourg est sur son dos plat,
Sur la queue, il y a un bois.
On laboure aux lèvres immenses,
Entre les yeux, des gars dansent,
Aux moustaches, des jeunes filles vont
Ramasser des champignons.
Le Ch’val court sur la Baleine,
Piaffe ses os. Et, à grand-peine,
La merveille, Baleine-poisson,
Les regarde d’une façon
Amère et triste; elle soupire,
Ouvre une large bouche pour dire:
“Bon voyage, messieurs, c’est d’où
Que vous v’nez, et allez où?” –
“La Fille-reine nous engage
A porter vite son message, –
Répond le Ch’val, en criant,–
Au Soleil, juste à l’Orient,
Nous allons dans sa demeure”. –
“Pouvez-vous, amis, à l’heure
Demander au Soleil, si
Je devrai rester puni?
Pour quelles fautes, sans nulle chance,
Je supporte ces souffrances?” –
“Oui, d’accord, Baleine-poisson!” –
Crie Ivan d’un très haut ton.
“Sois, comme le Père, charitable!
Que je souffre, misérable!
Je suis là depuis dix ans,
Ce service, je te le rends!..” –
Le supplie la pauvre Baleine
Et soupire avec des peines.
“Oui, d’accord, Baleine-poisson!” –
Crie Ivan d’un très haut ton.
Alors le Ch’val bat et saute
Pour courir vite sur la côte.
Et on voit tourbillonner
Du sable auprès de ses pieds.
Ils gagnent des places proches, lointaines,
Basses, hautes; vite ou avec peine.
Peut-être, ils y croisent quelqu’un, –
De cela, je n’ai aucun
Avis: on fait vite un conte,
Agir, c’est long. On raconte,
Comme je m’en souviens encore,
Qu’ils arrivent très loin, au bord
De la terre, là, où la terre
Touche le ciel (comment le faire?),
Des paysannes y filent du lin,
Posent des rouets au ciel, qui tient.
En quittant puis notre Terre,
Ivan dit adieu, va faire
Tout au ciel. Il va, hardi
Comme un prince, ragaillardi.
“Quelle merveille! Quelle merveille!
Ma contrée n’est pas pareille, –
Au p’tit Ch’val dit notre Ivan,
Marchant sur l’azur des champs. –
Le ciel, si on l’y compare,
Est plus beau, comme s’il se pare.
Mais le sol!.. Toujours, il est
Noir et plein de saleté!
Ici, la terre est bleue-claire,
Comme, à notre ciel, – la paire!
Regarde, là, mon Ch’val bossu,
A l’Orient, j’ai aperçu,
Comme l’aurore matinale,
Est-ce que c’est la capitale
Céleste? Mais c’est très, très haut!” –
Demande-t-il. – “C’est le château
De la belle Fille-reine,
C’est de notre reine prochaine, –
Explique le p’tit Ch’val et crie, –
Le Soleil y dort la nuit,
A midi, la Lune, sa mère,
S’y repose, pour être claire.”
Ils viennent à l’entrée; tout près,
Un cintre de cristal est fait,
Où tous les piliers s’enroulent
En serpents d’or, faits au moule,
Avec trois étoiles en haut.
Et autour de ce château,
Il y a des jardins; aux cages,
Des oiseaux à beau plumage,
Sur des branches d’or et d’argent,
Chantent de très jolis chants.
Comme un bourg, aux palissades,
Le château a des bourgades.
En haut du château, une croix
Ortodoxe russe se voit.
Dans la cour, le p’tit Ch’val entre,
Notre Ivan doit en descendre
Pour aller au beau château
Et dire à la Lune ces mots:
“Bonjour, la belle Lune, ma chère!
Moi, Ivan, le fils de Pierre,
De très loin, je suis venu
Pour te rendre le salut!” –
“Assieds-toi, le fils de Pierre! –
Lui répond la Lune claire, –
Dis-moi en détails: pourquoi
Es-tu dans mon pays-là?
Pourquoi viens-tu de la Terre?
D’où es-tu originaire?
Comment es-tu v’nu chez nous?
Dis-moi, ne cache rien du tout!” –
“Je viens de la Terre chrétienne
Chez toi, à ton beau domaine, –
Dit Ivan, en s’asseyant. –
J’ai passé par l’océan,
De la part de la belle reine
Qui voulait bien que je mène
Mes pas dans ce beau château
Pour dire à sa mère ces mots:
“Sa fille veut alors apprendre,
Pourquoi elle, toujours si tendre,
Cache d’elle trois nuits et trois jours
Une certaine face? A son tour,
Pourquoi le Soleil, son frère,
Se cache aux nuages pour faire
Le mauvais temps et, du haut,
Ne lui envoie pas de beaux
Rayons? ” Aie de l’indulgence,
La reine parle mieux, je pense;
Je ne me rappelle pas tout
Ce qu’elle m’avait dit surtout
Pour toi”. – “Qui est cette reine?”. –
“C’est une Fille-reine dont je tienne
Le propos”. – “Mais c’est, donc, toi,
Qui l’as ravie, ou pas ça?” –
S’écrie la belle Lune claire,
Et Ivan, le fils de Pierre,
Lui dit: “Je ne vais pas nier!
Comme je suis palefrenier
Du roi, j’ai reçu la tâche
De l’am’ner, je ne le cache
Pas, dans vingt jours au palais;
Si non, on me menaçait
De ce qu’on m’arrête, m’empale”.
La Lune pleure d’une joie cordiale,
Elle se met à embrasser
Ivan, à le caresser.
“Ah! Ivan, le fils de Pierre! –
Dit la belle Lune, la mère
De la Fille-reine. – Tu as
Une si bonne nouvelle, hourra!
Nous avons eu tant de peines
De la perte de la Fille-reine!
C’est pourquoi trois nuits, trois jours,
Attendant tant son retour,
J’ai caché dans de grands nuages
La tristesse sur mon visage.
Pour ça, je n’ai ni dormi,
Ni mangé ces jours et nuits.
Pour ça, le Soleil, son frère,
Se cache aux nuages pour faire
Le mauvais temps et éteint
Ses rayons au monde chrétien;
Triste, il pleure sur la Fille-
Reine, sa soeur aimée gentille.
Est-ce qu’elle est de bonne santé?
N’a rien de quoi s’attrister?” –
“Tout le monde pense qu’elle est belle,
Mais elle est malade, – trop frêle:
Maigre comme un clou, pardi!
La taille de cinq pouces, je dis;
Quand elle s’ra prête au mariage,
Elle prendra du poids, je gage:
Sache, le roi veut l’épouser”.
La Lune crie: “Un insensé!
Rechercher à son grand âge
Une jeune fille en mariage!
Je suis sûre qu’il va rester,
Toute la vie, – un vieux fiancé!
Il n’a pas semé pour faire
Une récolte! Célibataire!
Allons donc! Il est gourmand!”
Aussi lui dit notre Ivan:
“D’une baleine, j’ai la requette
D’un pardon, elle te le quête…
En travers de l’océan,
Il y a un grand poisson gisant:
On a labouré ses côtes,
A fait des palissades hautes.
Cette pauvrette m’a prié
Surtout de te demander:
Au pardon, a-t-elle une chance,
A la fin de ses souffrances?
Et pourquoi se trouve-t-elle là?”
La Lune dit à tout cela:
“Ses souffrances sont les pires
A cause de ces trente navires,
Qu’elle a vite avalés sans
Ordre de Dieu. Maintenant,
Donc, si elle les libère,
Alors Dieu la considère
Comme digne d’être pardonnée
Et, de ses plaies, soulagée”.
Notre Ivan se lève pour faire
Ses adieux à la Lune claire.
Il embrasse la Lune au cou,
Puis il lui fait trois bisous.
“Donc, Ivan, le fils de Pierre! –
Dit la Lune, pleine de lumière. –
Merci bien! Et de ma part,
Et de la part du fils. Pars!
Dis que je bénis ma fille,
Qu’elle se console et brille.
Et dis à ma chère encore:
“Ta mère est avec toi; or,
C’est assez de chagrin, laisse
Tes larmes et ta grande tristesse:
Un jeune homme, pas un vieillard,
Te mèn’ra vers l’autel, car
Le vieux roi lui fera place.”
Adieu, donc! Grand bien te fasse!”
Après le salut final,
Ivan monte à son p’tit Ch’val,
Siffle comme un preux des contes,
Reprend la route qui y monte.
Le lend’main matin, Ivan
Revient, donc, à l’océan.
Le Ch’val court sur la Baleine,
Piaffe ses os. Et à grand-peine,
La merveille, Baleine-poisson,
Leur dit d’une triste façon:
“Mes amis, de ma requette,
Quelle est la décision faite?” –
“La Baleine, attends, attends!” –
Crie le Ch’val à ce moment.
Il court plus vite au village
Pour app’ler à faire bagages,
Branle sa crinière, criant
Ces paroles aux paysans:
“Ecoutez, mes chers laïques,
Ortodoxes chrétiens pudiques!
Si on ne veut pas trouver
Ceux qui veulent se noyer,
Quittez le plus vite cette place,
Ici, un prodige se passe:
La mer va vite bouillonner,
La Baleine va se tourner…”
Les paysans et les laïques,
Ortodoxes chrétiens pudiques
Crient: “Quel est ce grand malheur!” –
Courent chez eux pour, toute à l’heure,
Prendre vite des charettes,
Mettre les affaires prêtes,
Tout ce qu’ils ont pu trouver
Pour quitter leurs maisons et
La baleine. Le jour commence,
Au village – pas de présence
De gens, d’animaux, de rien,
Comme si Mamaï revient!
Le Ch’val court sur la Baleine,
S’approche de la queue sans peine,
Et il crie d’un très haut ton:
“La merveille, Baleine-poisson!
Tes souffrances sont les pires
A cause de ces trente navires,
Que tu as avalés sans
Ordre de Dieu. Maintenant,
Ecoute, si tu les libères,
Alors Dieu te considère
Comme digne d’être pardonnée
Et, de tes plaies, soulagée”.
Après cette parole candide,
Ayant pris aux dents sa bride,
Le Ch’val fait l’effort, d’un bond,
Il saute sur la côte, donc
La Baleine bouge et tourne,
Comme un tertre, elle se retourne,
Agite la mer, laisse partir
De sa bouche trente navires,
Elle crache toute la cohorte:
Avec voiles, mat’lots, – ils sortent.
Alors, on commence à faire
Du bruit, et le roi des mers
Se réveille: des canons tirent,
On trompette à ces navires;
On lève un voile blanc, et on
Hisse vite le pavillon;
Un prêtre chante des prières
Pour de braves militaires;
Des rameurs y chantent en rang
La chanson que l’on reprend:
“Comme en haute mer, mer bleue-verte,
A toute l’étendue déserte
Qui va jusqu’au bout de terre,
Des navires sortent en l’air…”
De grands flots s’élèvent aux côtes,
Au loin, les navires flottent.
La merveille, Baleine-poisson,
Crie à nos amis d’un ton
Très fort, en ouvrant la bouche,
En cassant des flots qu’elle touche
Par sa queue: “Mes chers amis,
Vous m’avez si bien servi,
Que voulez-vous: de belles conques,
Des poissons dorés quelconques,
De grandes perles? Demandez!
Vous le dites, – je le ferai!” –
“Ce n’est pas pour recompense
Qu’on a fait tout ça: n’y pense
Pas, – lui dit le brave Ivan, –
Trouve-nous, tout simplement,
La bague de la Fille-reine
Qui s’ra notre reine prochaine.” –
“Soit! L’ami m’est plus, plus cher,
Que tous les trésors des mers!
Je trouv’rai avant l’aurore
La bague de cette reine encore.” –
Dit la bête à notre Ivan
Et tombe comme une clé plongeant.
Par sa queue, elle bat et lance
L’appel aux tribus immenses
De ses très grands esturgeons
Et commence à leur dire: “Donc,
J’ai besoin, avant l’aurore,
De la bague d’une reine encore
Qui était très bien cachée
Au fond, dans un p’tit coffret.
Qui la trouve, en recompense,
Aura un grade, une présence
Au Conseil Suprême. Si non,
Je vous f’rai de telle façon…!”
Les poissons se courbent, lâches,
Partent pour accomplir cette tâche.
Des heures passent, la bête attend.
Enfin, deux esturgeons blancs
Viennent, très humbles, chez la Baleine
Et lui disent avec la peine:
“Ne te mets pas en courroux,
Nous pouvons dire que partout,
Où on a cherché en lignes,
On n’a pas trouvé de signes.
La grémille, seule parmi nous,
Pourrait faire ça avant tout:
Elle visite des mers profondes,
Elle sait où tout est au monde;
Mais, pour nous faire enrager,
Elle est quelque part allée ”. –
“Donc, trouvez-la tout de suite
Et am’nez-la le plus vite!” –
Crie fort la Baleine-poisson
Courroucée, aux esturgeons.
Ils se courbent et courent vite
Au Conseil local, ensuite,
Ils ordonnent qu’à ce moment,
On fasse un décret, donnant
Aux courriers la dure tâche
De trouver où elle se cache,
Cette grémille. La brème écrit
Le décret dont on lui dit;
L’aide au Conseil, le silure
Y appose sa signature;
L’écrevisse plie le décret,
Y appose les scellés.
Deux dauphins arrivent et prennent
Le décret de la Baleine.
On leur dit qu’ils passent les eaux,
Cherchent bien là, comme il faut,
Cette grémille criarde, noceuse,
Chahuteuse et querelleuse,
Qu’ils la trouvent pour la mener,
Sans faute, chez sa Majesté.
Les dauphins se courbent et, vite,
Ils se mettent à sa poursuite.
Ils cherchent une heure dans les mers
Et une heure dans les rivières;
Lacs, détroits – ils y traversent
Tout lieu, où de l’eau, on verse.
La grémille n’est pas trouvée,
Et il leur faut retourner.
Quelle est cette peine! Ils en pleurent…
Tout à coup, juste à cette heure,
Quand ils en tournent, on entend
Un grand cri dans un étang.
Alors, les dauphins y viennent,
Plongent au fond sans aucune peine, –
Aux roseaux, la grémille tient
Et bat fort un carassin.
“Garde à vous! Silence! Au diable!
Quel tapage épouvantable!
Faites-vous l’air d’être soldats?” –
Leur crient les courriers comme ça.
“Est-ce que ça vous regarde? –
Leur crie la grémille. – Garde!
Je n’aime pas trop plaisanter,
Si non, je vais vous piquer!” –
“Tu es comme toujours noceuse,
Chahuteuse et querelleuse!
Canaille, tu n’aimes que crier,
Battre tous et musarder.
Toi, tu n’es pas casanière!..
Finis! On ne s’entend guère!
Voilà pour toi un décret –
De trouver et de t’am’ner.”
Les dauphins saisissent l’espiègle
Par ses branchies, et en règle,
Ils la traînent à la maison.
La grémille crie d’un haut ton:
“De grâce! Je vous prie! Mes frères!
Permettez un peu de faire
Une rixe, car ce carassin
M’a fait des injures, afin
D’insulter devant le monde,
Si je dis, comment il gronde…”
La grémille crie longtemps,
Après, se tait final’ment;
Les dauphins la traînent, l’espiègle,
Par ses branchies, tout en règle,
Ne lui disent rien; ils viennent, donc,
Tous, chez la Baleine-poisson.
“Tu te caches longtemps du monde,
Pourquoi? Où tu vagabondes?” –
Lui crie la Baleine d’un coup.
La grémille tombe à genoux,
Avoue le crime; de peur lasse,
Elle prie la Baleine de grâce.
“C’est Dieu qui te f’ra pardon! –
Lui dit la Baleine-poisson, –
Mais pour ce qu’on te pardonne,
Tu f’ras l’ordre qu’on te donne.” –
“A vos ordres, Majesté!” –
Piaille celle-ci, agenouillée.
“En toutes mers, avec des vagues,
Tu musardes. Sais-tu la bague
De la Fille-reine?” – “Oui, comment
Ne sais-je pas? En un moment,
Je trouv’rai!” – “Va tout de suite,
Trouve-la, donc, le plus vite!”
La grémille se lève devant
La Baleine, en se courbant,
Elle sort, ensuite se querelle
Avec les valets. Puis, elle
Importune le gardon,
Casse le nez de six clupes. Donc,
Après ça, elle s’élance
Au tournant profond immense,
Et au fond de l’océan,
Elle déterre en un moment
Le сoffret d’un poids énorme.
“Je ne suis pas en pleine forme!
Cent kilos, non, plus que cent!” –
Dit-elle, appelle des harengs.
A deux mains, les harengs prennent
Leur courage, et ils le traînent,
Ce coffret, avec des cris:
“Eh! Ah! Oh! Oh! Quel souci!”
Mais toutes leurs clameurs sont vaines,
Seulement, ils se surmènent.
Le coffret maudit est là,
Du sable, il ne bouge pas.
“De vrais harengs, que vous êtes!
Qu’on vous prive d’alcool et fouette,–
Leur crie la grémille et, donc,
Elle appelle des esturgeons.
Alors, les esturgeons viennent,
Et ils lèvent sans aucune peine
Du fond de sable le coffret
Rouge qui s’y enlisait.
“Ce n’est pas pour vous la peine
D’aller seuls chez la Baleine?
Je vais revenir au fond,
Je suis prise d’un somme profond:
Il faut que je me repose,
Mes yeux se ferment sans cause…”
Et les esturgeons, en rangs,
Nagent. Tout droit, à l’étang,
(Où elle est prise, cette noceuse,
Par les branchies, chahuteuse),
Comme je pense, la grémille vient
Pour trouver le carassin, –
Qui sait? Mais il faut lui dire
Adieu, et on se retire.
Il fait calme à l’océan.
Assis sur le sable, Ivan
Attend que vienne la Baleine,
Gémit douc’ment de la peine;
Son Cheval bossu y dort,
Couché sur le sable d’or.
Déjà, le soir y commence,
Le soleil couchant s’avance,
Des lueurs répandent des feux doux
Du soleil couchant partout.
Il n’y a pas de la Baleine.
“Que les diables te ramènent!
Quel est ce démon des mers! –
Dit Ivan d’une voix amère. –
Elle m’a dit qu’elle trouve la bague,
Avant le soir, sous des vagues,
Pourtant, elle n’a rien trouvé,
La plaisante, qu’elle soit damnée!
Le soleil s’est couché, tombe
La nuit…” Soudain, la mer gronde,
La Baleine-poisson revient
Et dit à Ivan: “Je tiens
Pour ton bienfait ma parole,
Tu vois, j’ai bien fait mon rôle”.
A ces mots, il lève et met
Sur le sable le coffret
Lourd, même la côte se balance.
“C’est fini, c’est ma quittance.
Si tu as encore besoin
De moi, tu m’appelles; eh bien,
Je tiendrai dans ma mémoire
Ton bienfait, adieu, prends gare!”
Alors, la Baleine-poisson
Se tait, puis, elle tombe au fond.
Le Cheval bossu se dresse
Sur ses pattes, se secoue, laisse
Tomber le sable; et il voit
Ivan, le coffret, – de joie,
Il saute: “Ah! La bonne Baleine!
Elle rend la bague de la reine!
Merci, la Baleine, merci! –
Crie le p’tit Cheval et dit, –
Bien, mon maître, prends vite toutes
Nos affaires, mets-toi en route;
Donc, trois jours se sont passés:
Demain, c’est le terme fixé.
Le vieillard meurt de l’attendre”.
Ivan l’interromt pour prendre
La parole: “Avec ma joie,
Je prendrais, mais je n’ peux pas!
Le coffret est très solide,
Je pense, la Baleine perfide
Y a mis cinq cents démons.
J’ai tâché même trois fois, donc;
Il est le plus lourd au monde!”
Le p’tit Ch’val, sans qu’il réponde,
Lève par sa patte le coffret,
Comme une p’tite pierre à jeter,
Et le met sur son cou. “Vite,
Ivan, prends place, et ensuite
Nous partons, car c’est demain
Qu’il faut v’nir, et c’est très loin”.
La lumière luit matinale,
Ils sont à la capitale.
Le roi court, très impatient.
“Ma bague?” – crie-t-il à Ivan.
Ivan saute du Ch’val par terre
Et va gravement lui faire
La réponse: “C’est ton coffret!
Appelle un régiment: c’est
Très petit en apparence,
Mais ça écras’ra, je pense,
Un diable”. A ses forts archers,
Le roi dit de l’apporter,
Et ils le portent à grand-peine.
Le roi va chez la Fille-reine.
“Ta bague, mon coeur, est trouvée, –
Lui dit-il d’une voix sucrée, –
Et il n’y a pas d’autre obstacle
Pour, si on dit sans débâcles,
Nous marier, ma belle fleur,
Donc, demain, de très bonne heure.
Veux-tu, ma chère, voir ta bague,
Qui était sauvée des vagues?
Elle est là, dans mon palais.”
La Fille-reine lui dit: “Je sais!
A vrai dire, c’est impossible
De faire nos voeux sur la Bible”. –
“Pourquoi non, ma belle fleur?
Je t’aime bien, de tout mon coeur;
Pardonne-moi mon grand courage,
Mais je veux bien le mariage.
Si tu ne… je vais mourir
Du chagrin qui m’est le pire.
Aie pitié, la Fille-reine!”
Elle l’arrête pour qu’elle reprenne
La parole: “Tes ch’veux sont blancs,
Et moi, je n’ai que quinze ans.
Nous marier? Comment? Pour faire
Rire tous les rois: le grand-père
Epouse la p’tite-fille, on dit!”
En colère, notre roi crie:
“Qu’ils essaient! Je les regarde!
Je f’rai un tour! Qu’ils prennent garde!
J’attaqu’rai leurs pays et
Je les, tous, déracin’rai!” –
“Même s’ils ne vont rire guère,
Il n’est pas possible de faire
Nos noces, – des fleurs ne poussent pas
En hiver: je suis belle, toi?..
De quoi est-ce que tu te vantes?” –
Mais l’idée des noces le hante:
“Oui, je suis vieux, mais pourtant, –
Dit le roi, – je suis vaillant!
Si en ordre me remettre,
A tous, je pourrai paraître
Un gaillard hardi! Dis-moi,
Si on a besoin de ça?
Pourvu qu’on fasse le mariage!”
Mais la Fille-reine dit, très sage:
“Le besoin en est comme ça:
Moi, je n’épouserai pas
Un homme ch’nu et laid, un homme
Qui n’ait pas de dents, juste comme
Un vieillard!” – En se grattant
La nuque, il se renfrogne, prend
La parole: “Que faire, ma reine?
Je veux t’épouser; cette peine
Me torture, – tu dis: “Non, non!”
Par malheur et sans raison!”
“Celui qui a sur la tête
Des ch’veux blancs, – elle lui répète, –
Ne s’ra pas mon mari; sois
Un gaillard comme autrefois, –
Je vais t’épouser”. – “Ma chère,
Impossible de le faire,
De renaître; c’est seul Dieu
Qui fait ça”. Elle dit au vieux:
“Donc, si tu n’as pitié guère
De toi, tu s’ras jeune, mon père.
Ecoute, tu dois dire demain
Aux valets, – dès le matin,
De dresser trois grandes chaudières
Et là-d’ssous, – leur dire de faire
Des feux de bois mort; il faut
Verser en première de l’eau
Très froide et bien transparente,
En deuxième – de l’eau bouillante,
En troisième – du lait bouilli
A gros bouillons. Je te dis,
Si tu veux dev’nir beau vite,
Epouser une fille ensuite,
Sans habit, va te plonger
En chaudière de lait chaud, et
Ensuite dans de l’eau bouillante,
Dans de l’eau froide, transparente, –
Tu seras un gars hardi,
Si tu fais ça, je te dis! ”
Sans répondre à la Fille-reine,
Le roi dit qu’on lui amène
Notre Ivan. “A l’océan? –
Lui demande le pauvre Ivan, –
Non, jamais, votre Excellence!
J’ai encore de grandes souffrances!
Du tout, pour aucun trésor!” –
“Cher Ivan, non, pas ça, or, –
Je veux qu’on dresse trois chaudières
Et là-d’ssous, – je dis de faire
Des feux de bois mort; il faut
Verser en première de l’eau
Très froide et bien transparente,
En deuxième – de l’eau bouillante,
En troisième – du lait bouilli
A gros bouillons. Je te dis:
Tu devras dans ces chaudières
Te baigner demain pour faire
Un essai: dans celle de lait
Et dans celles d’eaux après.” –
“C’est d’où que tu me pat’lines, –
Dit Ivan, sans faire bonne mine. –
On n’échaude que des cochons,
Des poulets et des dindons;
Je ne suis ni poule, roi-père,
Ni cochon, pour me le faire.
Je me plonge, peut-être, en eau
Froide, si d’main, il fait très beau.
Si tu te mets à me cuire,
Tu n’as pas de chance, sans dire,
D’allécher. Cesse de ruser,
De faire le malin, assez!”
Le roi branle la barbe en rage:
“Aux disputes, tu m’engages? –
Crie-t-il à haute voix. – Vois ça,
Si tu, quand la nuit s’en va,
Ne fais pas ce que j’ordonne, –
Ne doute pas que je te donne
Au bourreau pour déchirer
En morceaux, pour torturer!
Va-t’en, maladie cruelle!”
Ivan pleure d’une peur mortelle,
Il va à la grange des foins,
Où son p’tit Cheval se tient.
“Tu n’es pas gai au visage,
Ou tu as perdu courage? –
Doit son Ch’val lui demander, –
De nouveau, le vieux fiancé
A eu une idée bizarre?”
Ivan l’embrasse: “J’en ai marre! –
Dit-il à son p’tit Cheval, –
De nouveau, j’ai un grand mal,
Car le vieux roi veut me faire
Me plonger dans des chaudières
Avec du lait et des eaux:
Il dit que je fasse un saut
En eau froide et transparente
Et ensuite – en eau bouillante,
Peu après, en lait bouilli.”
Le petit Cheval lui dit:
“Le voilà, le vrai service!
Toute mon amitié propice
Y est nécessaire. J’ai dit
De laisser la plume, tant pis;
C’est de cette scélératesse
Que tu as tant de peines… Cesse
De pleurer, cher, plaise à Dieu!
On f’ra tout à l’aide des cieux!
Moi, plutôt, à Dieu, je donne
Mon âme que je t’abandonne.
Ecoute: de bonne heure, demain,
Quand, sur la cour, tu reviens
Et ôtes tout, dis cette sentence
Au vil roi: “Votre Excellence,
Pouvez-vous, donc, ordonner, –
Pour la dernière fois d’app’ler
Mon Ch’val pour que je puisse dire
Adieu.” Il f’ra tout, ce pire
Roi; quand je vais agiter
Ma queue, en chaudières, tremper
Ma gueule, sur toi, j’ter des gouttes
D’eau et siffler fort, – ne doute
Pas et ne dors pas debout:
Plonge-toi dans du lait d’un coup,
Ensuite dans de l’eau bouillante,
Dans de l’eau froide, transparente.
Prie le bon Dieu maintenant
Et va te coucher, Ivan”.
A l’aube, le p’tit Ch’val réveille
Ivan et dit: “Maître, veille!
Ne dors pas, car il nous faut
Accomplir la tâche plus tôt. ”
Notre Ivan se lève, se lave,
Se gratte, s’étire sans entraves,
Prie devant l’enceinte et va
A la cour de chez le roi.
Là, il y a de grandes chaudières,
Et on y voit cuisinières,
Serviteurs de cour, cochers,
Domestiques, servantes, valets;
Ils jettent du bois avec zèle
Et parlent, les uns interpellent
Les autres, à propos d’Ivan,
Et ils rient de temps en temps.
Les portes s’ouvrent; le roi mène
Dans la cour la Fille-reine,
Ils s’apprêtent du perron
A voir notre brave luron.
“Cher Ivan, mon gars, va faire
Ce qu’il faut pour, en chaudières,
Te baigner!” – lui crie le roi.
Ivan ne lui répond pas,
Sans façon, se déshabille,
Dans ce cas, la jeune Fille-
Reine préfère se voiler
Sans lui voir la nudité.
Ivan se lève aux chaudières,
Regarde, se gratte de manière
Que le roi lui crie: “Ivan!
Pourquoi y lambines-tu tant?
Fais c’ qu’il faut en ma présence!”
Ivan dit: “Votre Excellence,
Pouvez-vous, donc, ordonner, –
Pour la dernière fois d’app’ler
Mon Ch’val pour que je lui fasse
Mes adieux.” Lui, à la face
De tous, ordonne d’amener
Le p’tit Ch’val à ses valets.
Ils amènent le Ch’val; sans dire
D’autres mots, ils se retirent.
Lui se met à agiter
Sa queue, en eaux se tremper,
Sur Ivan, jeter des gouttes
Et siffler. Alors, sans doutes,
Ivan le regarde, après,
Saute vite en chaudière de lait,
En deuxième, puis en troisième, –
Il sort si joli que même
Aucun conte, ni roman
Ne puisse bien décrire Ivan!
Le voilà! Ivan s’habille
Et salue la jeune Fille,
Puis regarde autour de lui,
Comme un prince, ragaillardi.
Tout le monde crie: “”Quelle merveille!
Il n’y a pas de chose pareille
Qui puisse faire quelqu’un si beau!”
Notre roi dit qu’il lui faut
Le faire, il se signe, ensuite,
Saute au lait et y cuit vite.
La Fille-reine se lève et fait
Le signe au silence complet.
Elle soulève son voile pour faire
Le discours sur cette affaire:
“Le roi vous a dit adieu!
Etre reine – c’est c’que je veux!
Vous m’aimez? Que tous répondent!
Si c’est “oui”, que tout le monde
Reconnaisse mon époux,
Comme le possesseur de tout!”
La Fille-reine fait le silence,
Montre Ivan à la séance.
Tout le monde crie: “Nous t’aimons!
A l’enfer, nous, tous, irons
Pour toi! On va reconnaître
Le roi neuf pour ton bien-être!”
Ivan, notre nouveau roi,
Avec la Fille-reine, va
A l’église pour le mariage
Qu’il fait là, maint’nant très sage.
Du haut des tours, des canons
Tirent; et on entend le son
Des trompettes; on ouvre des caves,
On verse du vin sans entraves,
Alors le peuple enivré
Se met à s’égosiller:
“Vivent le roi et la belle reine!
Qu’au bonheur, ils nous amènent!”
Au palais, au grand festin,
On versa à flots des vins;
Des seigneurs, des princes, à tables,
Burent ces vins agréables.
Quel plaisir! J’y fus, alors
On versa dans une coupe d’or
D’hydromel pour que j’en goûte, –
Mais ma bouche n’en eut goutte.